
Le consommateur contemporain est de plus en plus soucieux de la traçabilité des pierres qu’il achète.
Cela concerne non seulement l’origine géographique, mais aussi l’historique de la pierre; les conditions dans lesquelles elle a été extraite, traitée et vendue, d’un point de vue environnemental, et humain.
Le consommateur veut la preuve que son achat ne servira pas à financer des barons locaux, des gouvernements corrompus, ou pire l’achat de drogue ou/et d’armes.
Il s’attache également à ce que les travailleurs tout au long de la chaine aient été correctement rémunérés pour leur travail.
D’un point de vu environnemental il souhaite que les méthodes d’extraction soient non polluantes et s’inscrivent dans des processus de développement durable.
Depuis quelques années de nombreux acteurs du marché se sont attelés à mettre en place des processus visant à rendre plus transparent le marché.
Sans douter de la sincérité de la plus part de ces initiatives, il semble que certaines soit au mieux inefficaces au pire contreproductives.
Car le message sous jacent derrière la façade écolo-humanitaire est souvent :
Nos pierres sont propres donc si vous achetez des pierres ailleurs elles sont forcement sales.
Exit les centaines de milliers de petits acteurs qui n’ont pas les moyens de laver plus blanc que blanc. Ils peuvent vendre leur chemise sale au gentil géant vert, et abandonner leurs rêves de fortune et de vie meilleur.

Un cas d’école le processus de Kimberley.
Mis en place en 2003 le système de certification du processus de Kimberley (SCPK) impose à ses participants de nombreuses conditions, avant de leur permettre de certifier que la vente de diamants bruts ne sert pas à financer un conflit armé et, d’éviter que les diamants des conflits n’arrivent sur le marché légal.
Selon ce système de certification, les États participants doivent répondre à certaines « conditions minimales » et sont tenus de mettre en place des dispositions législatives et des institutions nationales, ainsi que des contrôles à l’exportation, à l’importation et au commerce intérieur des diamants. Seules sont licites les activités commerciales portant sur les diamants effectuées entre participants répondant aux conditions minimales du système de certification.
Par ailleurs, les envois internationaux de diamants bruts doivent s’accompagner d’un certificat garantissant qu’ils ne servent pas à financer un conflit armé.
L’enfer est pavé de bonnes intentions et j’ose espérer que c’est une méconnaissance totale du terrain qui a prévalu à la création du processus.
Depuis des années des associations comme Umoya dénoncent les dérives du système:
Le système de certification du Processus de Kimberley (SCPK) possède un mécanisme d’examen par ses pairs qui se penche sur la conformité de chaque membre, environ une fois tous les trois ans. Certains examens sont exhaustifs et les recommandations sont respectées. Dans de nombreux cas toutefois il n’y a que peu ou pas de suivi.
On a fait fi de cas de non-conformité flagrante jusqu’à ce que les médias exposent ces scandales :
De la fraude et de la corruption au Brésil,
Des diamants de guerre ivoiriens passés en contrebande vers des pays voisins,
La sortie en contrebande de l’entière production de diamants du Venezuela.
Chez deux des plus grands producteurs de diamants de l’Afrique , l’Angola et la RDC les contrôles internes sont si faibles que personne ne peut déterminer d’où proviennent vraiment les diamants exportés
Dans un article parut sur son site, Richard Hughes un gemmologue mondialement reconnu et Charles Ellias sont beaucoup plus sévères :
Let’s start with the notion that a seal placed on a parcel in a Third-World nation will certify the origin of the contents.
Il dénonce avec ironie le fait de croire que dans un pays du tiers monde un scellé peut garantir quoi que ce soit, et surtout la provenance d’une pierre.
Controlling the trade in conflict diamonds will be even tougher than controlling the trade in illegal drugs.
There is simply no reliable/cheap method of determining the origin of a diamond.
Sanctions to control the 5% of problem diamonds would needlessly harm those mining and trading a product that is more than 95% clean.
Et souligne que en tentant de contrôler les diamants de conflits qui ne représentent que 5 % de la production mondiale on jette l’opprobre sur les 95 % de diamants propres.
Alors que il n’existe aucun moyen (pour un cout raisonnable) de déterminer l’origine d’un diamant et donc d’établir une chaine de traçabilité.
Lire l’article de Richard Hughes et Charles Ellias en Anglais : http://www.ruby-sapphire.com/kimberley_process.htm
Dans l’industrie des pierres de couleurs les choses sont beaucoup moins noires.
De nombreuses initiatives sont mises en place à petite échelle par des acteurs qui sont sincèrement concernés du sort des travailleurs de la filière car ils travaillent avec eux au quotidien, contrairement au multi-nationales de l’industrie du diamant dont les dirigeants prennent des décisions éloignées du terrain et souvent en fonction de critères plus géopolitiques et stratégiques qu’humain.
Il ne s’agit nullement de se culpabiliser, mais juste de savoir que lorsque l’on achète une pierre elle ne vient pas juste de la terre mais du travail de centaines d’hommes et de femmes qui ont cherché à se construire une vie meilleure.
Parce qu’ ils le valent bien !
Angélique Binder pour Serengeti Gems
Pour aller plus loin quelques sites :
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